Hager : Penser le futur (extrait ADIRA – Zut! no 29)
Ce grand H vu du ciel incarne bien la marque : un lieu lumineux et ouvert où tous les échanges sont permis. À Obernai, Hager fait se croiser hier et demain en misant sur des savoir-faire développés depuis 1955 et en encourageant l’innovation collaborative dans le flambant neuf Hager Forum. Le groupe Hager raconte son histoire, mais surtout sa vision de l’avenir.
L’entreprise Hager compte parmi les leaders mondiaux en termes de matériel électrique. Employant 11 400 personnes dans 28 sites de production dans le monde, Hager mise sur un développement rapide dans les 5 ans à venir. Un développement qui passe par l’innovation du parc matériel et la formation du personnel. Sur le site d’Obernai, la visite des usines 2 et 3 permet de s’en rendre compte. Spécialisées dans la fabrication de disjoncteurs et d’interrupteurs différentiels, elles traitent chaque jour 34 tonnes de matières premières par découpe, injection et assemblage, avec plus de 500 outils différents. Les rebuts, quant à eux, sont collectés pour être recyclés. Les usines présentent un fort niveau d’automatisation, avec des machines impressionnantes en termes de cadence et de précision. Pour optimiser leur performance, les compétences du personnel doivent être soignées. C’est justement cette attention portée à la formation qui a permis à Hager d’être classé 32e meilleur employeur de France par le magazine Capital en 2016.
Plusieurs formations diplômantes sont dispensées chaque année dans les usines Hager, certaines allant même jusqu’au doctorat. Cela permet de motiver les salariés et de garantir l’apport de ces compétences en interne, tout en augmentant la performance. Jacky Metzger, directeur electro mechanical factory, value chain, se doit de trouver les solutions correspondantes. « Nous avons aujourd’hui en Alsace 1 600 emplois industriels, en forte concurrence avec les productions low cost venant d’autres pays. Le défi pour nous est de constamment se remettre en question pour répondre à ce besoin de compétitivité. Nous avons par exemple formé 150 opérateurs/régleurs sur les 5 dernières années.La formation de notre personnel répond à un besoin mais aussi à son employabilité, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. » Ce besoin a donné lieu à la création d’une école d’outillage en janvier 2014, pour former 3 à 4 personnes par an sur un cycle de 3 ans. Les supports de formation ont été réalisés en interne, en collaboration entre des salariés français et allemands. « C’est remarquable d’un point de vue compétence, mais aussi d’un point du vue humain, puisque cela permet à des salariés de se ré-orienter en seconde partie de carrière », fait remarquer Jacky Metzger, très fier aussi d’annoncer que deux femmes font partie du cursus. Ce qu’on cherche dans le groupe Hager, c’est de trouver la bonne adéquation entre le projet personnel et le projet d’entreprise. » Les conditions de travail des salariés sont au coeur de la réflexion. « Nous avons sur Obernai deux ergonomes à plein temps et nous misons plus de 500 000 euros par an sur les conditions de travail. 150 000 euros sont investis dans les formations de sécurité, pour tout ce qui est gestes et postures », explique Jacky Metzger. Serge Verchin, responsable de production de l’usine 3, renchérit en détaillant les programmes développés dans les différentes usines, mis en place par les salariés eux-mêmes : bien-être au travail pour l’usine 3, Compass pour l’usine 2… Ces programmes donnent plus de responsabilités aux salariés en les mettant au centre du dispositif d’évolution de leur propre cadre de travail.
En mutation
Si le cadre de travail évolue, l’inauguration du Hager Forum en juillet 2015 a insufflé une nouvelle énergie au site d’Obernai. Construit en moins de deux ans par le cabinet d’architectes berlinois Sauerbruch Hutton et l’agence d’aménagement intérieur de Stuttgart Milla & Partner, pour un budget de 20 millions d’euros, il a reçu une mention spéciale des German Design Awards à Francfort. « Nous avions déjà un forum depuis 1992. Il nous servait essentiellement à la formation technique de nos clients, notamment installateurs. Ce rôle reste majeur dans le nouveau forum », explique Peter Caldwell, collaborateur de Hager depuis 30 ans, aujourd’hui à la tête du Hager Forum. « Il doit aussi être le lieu de rencontres informelles, un catalyseur d’échanges. » Showrooms connectés et interactifs, salles de formation suréquipées, café ouvert à tous, personnel comme clients : le rez-de-chaussée est un espace ouvert et multicanal. Pas de bling-bling, l’entreprise revendique avoir « les pieds sur terre » : tout ce qui est présenté dans les showrooms est déjà testé et disponible à l’achat.
Le Hager Forum est aussi une incarnation de son histoire, familiale et franco-allemande. Dans un film de présentation, les frères Hager, fondateurs du groupe, vantent les mérites de la cuisine française auprès des clients, venus d’Allemagne ou d’ailleurs. Peter Caldwell explique : « C’est une chance d’avoir un lieu comme le Hager Forum dans ce décor, ce paysage d’Obernai, en Alsace, avec cette culture environnante. Une visite ici, cela peut être quelque chose d’inoubliable pour les clients. » Le sous-sol du Forum complète la visite par un formidable exemple de storytelling : on y découvre d’abord la fresque murale interactive présentant l’épopée du groupe, puis la salle futuriste retraçant les débuts du groupe Hager pour arriver à une métaphore ambitieuse et poétique de ses désirs d’avenir. L’avenir, justement, est au premier étage. Il accueille trois équipes recherche et développement qui travaillent en continu sur les innovations du groupe – notamment en termes de design et de connectivité. « Ce que l’on voit et touche souligne la notion de facilité et de qualité » : c’est l’approche de Daniel Hager, comme on peut le constater à travers le site Internet du groupe. Erwin Van Handenhoven,créateur de l’agence de design Winco, est devenu le directeur design de Hager Group en 2013, afin d’affirmer la priorité de l’usage et de l’esthétique en termes d’innovation. Il travaille depuis le premier étage du Hager Forum, en développant l’approche « 4D Design », qui consiste à faire travailler simultanément les designers, le bureau d’étude et les constructeurs, en cohérence avec le label E3 : éthique, environnement et énergie. Une façon de toujours garder l’esprit de la recherche à proximité de la réalité de la construction, et vice-versa. On voit, on touche, on cherche et on échange de façon informelle mais efficace : le Hager Forum est un condensé de la philosophie et de la méthode du groupe.
Rencontre avec Daniel Hager, président du Directoire du groupe Hager
Pourquoi est-ce important de rester une entreprise familiale ?
Une entreprise familiale se caractérise par le fait que son capital est mis à disposition par un groupe de personnes qui ont une vision à moyen et à long terme. Le capital mis à disposition influe donc sur notre indépendance puisque nous pouvons prendre des décisions sur des cycles plus longs. C’est peut-être moins le cas pour des entreprises qui doivent chercher des capitaux sur les marchés financiers et produire des résultats trimestriels. L’entreprise familiale est aussi moins anonyme, voire pas du tout dans notre cas puisque c’est un membre de la famille qui en est à la tête. Cela donne un visage à l’entreprise. La famille est garante des valeurs, de la pérennité de la stratégie.
Que signifiait le fait de devenir une société européenne ?
L’aspect juridique amenait bien sûr un certain nombre d’éléments qui étaient importants pour l’entreprise. Nous étions une des premières sociétés allemandes à l’expérimenter. Je pense qu’il exprime bien notre identité franco-allemande, notre esprit ainsi que notre assise européenne : 85% de notre chiffre d’affaires est fait en Europe.
Votre identité interculturelle vous permet-elle une certaine agilité dans le fait d’aller travailler dans d’autres pays, comme en Chine ou ailleurs ?
Oui, mais il y a toujours un effet d’apprentissage. Cela fait plus de 20 ans que nous sommes en Chine, et nous avons réussi aujourd’hui à bâtir un socle solide, capable de nous propulser dans une nouvelle dimension, par exemple une acquisition. Nous n’aurions pas été capables de le faire il y a 10 ou 15 ans. Je ne sais pas si nous sommes lents ou rapides, mais nous avons du mal à aller plus vite que la musique, surtout si on veut respecter la culture dans laquelle on travaille.
Par Marie Bohner
Photo : Henri Vogt
Cet article est extrait du magazine hors-série ADIRA-ZUT ! 2016 dédié à l’attractivité économique de l’Alsace.